Fermetures de plage et algues bleu-vert

Par une journée chaude d’été, rien n’est plus agréable que de passer son temps à la plage locale. Cependant, les températures plus chaudes augmentent les risques de la prolifération d’algues bleu-vert, ce qui peut entraîner la fermeture de plages. Mais que sont les algues bleu-vert? Qu’est-ce qui provoque les proliférations et quelle incidence ces dernières auront-elles sur la saison de natation?

Que sont les algues bleu-vert, au juste? Sont-elles dangereuses? 

Les algues bleu-vert, aussi appelées des cyanobactéries, sont une sorte de phytoplancton microscopique que l’on trouve dans toutes les étendues d’eau naturelles. Bien qu’on les regroupe souvent avec les algues, les cyanobactéries sont en fait des bactéries photosynthétiques, c’est-à-dire qu’elles tirent leur énergie du soleil. Les cyanobactéries se multiplient rapidement dans les eaux dormantes ou à courant lent qui ont de fortes concentrations de nutriments, surtout quand la température est élevée.

Photo: Commission de la capitale nationale (CCN)

Même si la plupart des cyanobactéries posent peu de risques, un certain nombre d’espèces peuvent produire des toxines qui peuvent causer de graves problèmes de santé chez les humains et les animaux. Les toxines sont généralement libérées lorsque la cellule cyanobactérienne meurt et se dégrade à la suite d’un événement de prolifération. La toxine que l’on voit le plus souvent est la microcystine, une hépatotoxine qui agit sur le fonctionnement du foie. Les espèces comme Microcystis et Dolichospermum (qu’on appelait auparavant Anabaena) se trouvent dans les lacs et les rivières de notre bassin versant et sont capables de produire de la microcystine. Cependant, étant donné que les toxines sont seulement libérées lors des événements de prolifération, et qu’elles ne sont pas nécessairement produites pendant chaque prolifération, le risque d’exposition à la microcystine est minime. 

Même si elles ne produisent pas de toxines, les proliférations d’algues bleu-vert ont un aspect déplaisant. Non seulement sont-elles inesthétiques, mais elles peuvent également produire des odeurs désagréables. En outre, elles peuvent aussi avoir un effet négatif sur l’écosystème local, car elles cachent les autres phytoplanctons et les plantes aquatiques de la lumière du soleil — appauvrissant l’eau en oxygène — et provoquent le réchauffement localisé des eaux environnantes.   

Comment se présentent les algues bleu-vert? Comment puis-je identifier une prolifération?

En l’absence de proliférations, les algues bleu-vert ne sont généralement pas apparentes. Ce n’est qu’au moment des proliférations qu’elles deviennent visibles. Une prolifération d’algues bleu-vert peut rendre la surface de l’eau bleu-vert, vert (comme de la soupe aux pois) ou turquoise. 

Photo: Commission de la capitale nationale (CCN)

Si vous soupçonnez une prolifération d’algues bleu-vert, vous pouvez la signaler :

En Ontario : Centre d’intervention en cas de déversement de l’Ontario

Au Québec : Bureau régional du Ministère d’Environnement et Lutte contre les changements climatiques (MELCC)

Qu’est-ce qui cause les proliférations de cyanobactéries? 

Les proliférations de cyanobactéries se produisent naturellement lorsque les conditions adéquates sont présentes. Celles-ci incluent des températures plus chaudes de l’air ambiant et de l’eau (normalement environ 25 degrés Celsius et plus) et une augmentation des apports nutritifs. Des recherches ont démontré une corrélation entre le phosphore dans les systèmes d’eau douce et l’augmentation du nombre d’événements de proliférations. C’est un phénomène complexe et plusieurs facteurs peuvent entrer en jeu, tels que : les pluies importantes, les changements climatiques, l’augmentation des rayons ultraviolets en raison de l’amincissement de la couche d’ozone et des variations dans l’intensité du broutage par le zooplancton.

Ainsi, il peut arriver que des proliférations surviennent dans des lacs dont la santé globale est bonne et où la concentration moyenne annuelle en nutriments n’est pas excessive. Prenons par exemple les quelques proliférations survenues dans certains lacs du parc de la Gatineau. En juin 2019, ces proliférations ont été précédées d’inondations qui ont possiblement augmenté temporairement la charge d’éléments nutritifs dans l’eau. Ces proliférations sont disparues rapidement de façon naturelle, avec le vent et les courants. 

Bien que les proliférations se produisent le plus souvent vers la fin de l’été dans la rivière des Outaouais (de juillet en septembre), elles peuvent survenir à n’importe quel moment si les conditions propices sont réunies. L’apogée de la saison des proliférations dure généralement de la fin mai au début octobre. 

Les proliférations sont-elles dues à l’activité humaine?

Bien que la prolifération des algues bleu-vert soit un phénomène naturel, la fréquence et l’intensité des événements augmentent et on en signale dans des plans d’eau qui auparavant n’étaient pas connus pour favoriser la multiplication des cyanobactéries. Cette augmentation s’attribue largement à l’augmentation des températures à l’échelle planétaire due aux changements climatiques, ainsi qu’à l’augmentation de l’apport nutritif de l’eau qui résulte de la pollution de bassins versants, de l’écoulement des eaux d’orage et du ruissellement agricole. Les activités humaines peuvent avoir un impact sur tous ces éléments.

S’agit-il d’un phénomène qu’il faut s’attendre à voir plus souvent dans les années à venir?

Il est difficile de prédire l’occurrence d’une prolifération de cyanobactéries, car de nombreux facteurs contribuent à leur formation. Cependant, vu l’augmentation de la charge d’éléments nutritifs dans les plans d’eau du bassin versant — le résultat des inondations de 2019 — il est possible que nous voyions plus de proliférations dans l’ensemble du bassin versant. 

Comment se fait-il qu’il y ait parfois des proliférations à une extrémité d’un lac, tandis que l’eau à l’autre extrémité est excellente pour la baignade?

Ces différences peuvent s’expliquer par la topographie locale, les courants et le drainage d’un lac. Le courant emporte parfois les nutriments et les autres matières qui s’accumulent dans un lac vers une plage en particulier.

Que peut-il arriver si je suis exposé à une prolifération d’algues bleu-vert?

Si vous observez ou si vous soupçonnez une prolifération d’algues bleu-vert, n’entrez pas dans l’eau. Gardez les enfants et les animaux domestiques loin de l’eau et n’en consommez pas. Bouillir l’eau n’éliminera pas les toxines.

Photo: Commission de la capitale nationale (CCN)

L’exposition aux algues bleu-vert peut provoquer des maux de tête, des nausées, de la fièvre, des maux de gorge, des étourdissements, des crampes et des douleurs abdominales, des diarrhées, des vomissements, des douleurs musculaires et des plaies dans la bouche et sur les lèvres si l’eau a été consommée.  En cas d’utilisation récréative de l’eau, cela peut aussi provoquer des éruptions cutanées et une irritation des yeux et des oreilles.  

En cas de contact avec des toxines d’algues bleu-vert, rincez-vous bien et consultez votre professionnel de la santé, surtout si vous éprouvez l’un des symptômes énumérés ci-dessus.

Comment confirme-t-on une prolifération de cyanobactéries? Sur quels critères la réouverture d’une plage repose-t-elle?

Au Québec, les exploitants de plages publiques doivent suivre les directives du Ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques  (MELCC) et signaler rapidement toute prolifération de cyanobactéries potentielle. Des photographies générales du site sont prises, incluant des photographies d’échantillons dans des bouteilles de verre. Elles sont envoyées au MELCC pour confirmer l’observation. Si une prolifération de catégorie 2 est observée (tel que définie par le MELCC), la plage est fermée et n’est rouverte que lorsque toutes les conditions pour une baignade sécuritaire sont à nouveau rencontrées. 

Dans certaines circonstances, le MELCC peut décider d’envoyer un spécialiste pour effectuer l’échantillonnage des cyanobactéries. Des échantillons et des photos des proliférations sont aussi parfois envoyés aux spécialistes en cyanobactéries à l’Université d’Ottawa qui peuvent déterminer l’espèce présente. 

Après la fermeture, on continue de surveiller quotidiennement la plage jusqu’à la fin de la prolifération. 

Par exemple, la Commission de la capitale nationale (CCN) offre une formation aux sauveteurs pour qu’ils puissent identifier en toute assurance les proliférations d’algues bleu-vert et distinguer celles-ci de l’écume de pollen qui peut y ressembler, pour l’œil novice. Les sauveteurs effectuent des observations quotidiennes et, dans les rares cas où une prolifération de cyanobactéries est soupçonnée, ils en avertissent aussitôt la CCN. 

Quels sont les seuils établis? Certains disent que dans de telles circonstances, la plage ne serait pas fermée en Ontario. Est-ce vrai? Les règlements sont-ils différents? 

Le gouvernement du Canada a établi les normes de qualité des eaux utilisées à des fins récréatives à ≤ 0,02 mg/L pour le nombre total de microcystines et ≤100 000 cellules/mL pour le nombre total de cyanobactéries. Cependant, le MELCC a établi une norme plus rigoureuse de 20 000 cellules/mL pour la densité de cyanobactéries pour les plans d’eau sur son territoire. Puisque l’Ontario n’a pas établi sa propre norme sur la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives en ce qui a trait aux cyanobactéries, la province impose par défaut la norme pancanadienne.

Précisons qu’au Québec, les directives du MELCC reposent sur un suivi visuel dans la majorité des cas. Ces directives sont différentes selon que la prolifération est de catégorie 1 (faible densité de particules) ou de catégorie 2 (densité moyenne ou élevée), selon le suivi visuel.