Recommandations des niveaux d’eau du ruisseau de la Brasserie

Basé sur notre expérience de la biodiversité du ruisseau, ainsi qu’avec les citoyens, organismes et gens d’affaires impliqué dans sa revitalisation, nous avons élaboré des recommandations générales quant aux manipulations des niveaux et débit d’eau du ruisseau de la Brasserie.

Sentinelle de la rivière des Outaouais (Ottawa Riverkeeper) est fier partenaire de la ville de Gatineau dans ses efforts de protection de l’eau depuis 2008. Nous sommes récipiendaire de 8 subventions du Fonds Vert en quatre ans, dont la moitié ont porté sur la revitalisation du ruisseau de la Brasserie, une priorité de l’administration municipale actuelle.

Nos projets visent à améliorer la compréhension de la biodiversité de ce cours d’eau urbain, des sources de pollution, ainsi qu’à favoriser le sentiment d’appartenance des citoyens à son égard. Nous avons notamment participé à la création du groupe Les Amis du ruisseau de la Brasserie en 2012, et travaillons en étroite collaboration avec eux depuis en leur offrant des formations en science, en mobilisation citoyenne, ainsi que du soutien aux activités. Ces dernières incluent des plantations d’arbres, l’arrachage de l’herbe à poux, des inventaires participatifs de la biodiversité, des nettoyages des berges, et cette année l’étude de la migration de l’anguille d’Amérique.

Basé sur notre expérience de la biodiversité du ruisseau, ainsi qu’avec les citoyens, organismes et gens d’affaires impliqué dans sa revitalisation, nous avons élaboré des recommandations générales quant aux manipulations des niveaux et débit d’eau du ruisseau de la Brasserie. Ses dernières portent sur les communications, les manipulations inévitables et les actions prioritaires à long termes.

Recommandations pour améliorer la communication entre les acteurs du milieu :

  1. Avis publics lors de changements brusques :
    Le sentier du ruisseau de la Brasserie est très fréquenté et à tout moment il est possible de voir des gens, incluant des enfants, assis sur le bord du ruisseau ou marchant près de l’eau ou dans l’eau. La noyade dans le ruisseau d’un enfant en 2004 est encore vive pour plusieurs et des gens nous ont rapporté avoir été dans le ruisseau quelques heures avant l’ouverture du barrage de juillet 2016. Nous croyons que d’avertir la population est une question de sécurité publique, et c’est pourquoi nous recommandons à la ville de faire des avis publics lorsque les niveaux d’eaux sont amenés à changer brusquement.
  2. Avertir les acteurs impliqués :
    Plusieurs organismes, entreprises et écoles tiennent des activités dans ou près du ruisseau de la Brasserie et pourraient voir leurs activités compromises par un changement de niveau ou de débits. Ces groupes peuvent également répondre aux questions des citoyens préoccupés par la situation. Nous recommandons à la ville de tenir une liste de distribution pour avertir les groupes et autres acteurs désirants être tenus au courant. Elle pourrait également mettre à la disponibilité des acteurs du milieu un contact pour toute question.
  3. Obtenir l’approbation du service de l’Environnement de la Ville
    L’approbation d’un changement au niveau de l’eau devrait être obtenue par le service de l’environnement de la ville, afin qu’ils puissent coordonner les manipulations de l’eau avec les projets en cours et les périodes sensibles pour la faune.
  4. Coordonner avec les autres services de la ville
    Plusieurs services de la ville pouvant avoir besoin d’accéder au fonds du ruisseau, nous recommandons de coordonner les interventions afin de minimiser le nombre de fois et de jours pour lesquels un changement de niveau ou de débit est nécessaire.

Recommandations lorsque des manipulations sont inévitables :

  1. Éviter la période de reproduction d’avril à juin
    • Reproduction et migration : Les périodes de restriction des travaux recommandées pour le ruisseau de la Brasserie selon la période de fraie ou de migration des poissons sont connues (Procéan, 2002, Rapport Final, Évaluation environnementale, Restauration de la centrale Château d’eau, Section 4.3.2, No Dossier : 501211). Les niveaux de l’eau devraient demeurer relativement constants entre les mois d’avril et la mi-août, afin de limiter les effets négatifs sur la faune. Cette période correspond à la reproduction et à la migration de la majorité de la faune aquatique, herpétologique et aviaire dans le ruisseau.
    • Le ruisseau comprend notamment neuf frayères connues, dont deux situées tout près de la chute du barrage. Des changements de niveaux d’eau durant la période de reproduction détruisent les frayères en aval, en asséchant ou lessivant les œufs, réduisant ainsi considérablement les chances de reproduction.
    • Il est à noter que les anguilles sont en montaison durant les mois de juin à août, et en dévalaison d’août à novembre. Même si aucun dispositif permanent de migration ne se trouve présentement dans le ruisseau, il demeure un habitat de qualité pour cette espèce à statut précaire et une route de migration potentielle.
  2. Opter pour des changements graduels, sur une période de plusieurs jours
    • Plus les changements sont brusques, plus les effets néfastes sur la faune et la flore sont élevés. Libérer l’eau sur une longue période, voir sur plusieurs jours, permet à la faune de s’adapter et peut réduire le taux de mortalité des œufs.
    • Au niveau de la sécurité publique, les changements graduels peuvent prévenir tout incident malheureux qui pourrait survenir si une personne se trouvait près ou dans le lit du ruisseau lors de la manipulation.
  3. Maintenir un débit d’eau moyen à élevé
    • Le manque de débit d’eau occasionne la formation de plantes aquatiques en amont et en aval du barrage. Même si ces plantes sont naturelles, elles sont un signe que l’habitat aquatique est en transformation et nuisent aux espèces qui y trouvent habituellement refuge.
    • En plus des plantes aquatiques, le manque de débit dans la partie canalisée du ruisseau occasionne la recirculation des déchets qui se trouvent normalement près au barrage, affectant ainsi grandement la qualité du paysage.
    • Le manque de débit occasionne la diminution du niveau de l’eau en aval du barrage.
    • Plusieurs points de surverses connus et raccordements croisés soupçonnés se situent dans la partie en aval du barrage. Le manque de débit provenant de l’amont vient amplifier l’effet de la pollution par les égouts sur le ruisseau, dégradant la qualité de l’eau de façon considérable. Une eau dans laquelle les activités à contact secondaire (canot, éclaboussures, etc.) ne sont pas recommandées devient un enjeu de santé publique. L’effet est également toxique sur l’habitat des poissons et sur leur reproduction.
    • Plusieurs citoyens et gens d’affaire tiennent des activités récréatives sur l’eau en aval comme en amont du barrage. Il arrive à l’occasion de voir des gens en kayak ou en canot pratiquant des manœuvre dans le bassin canalisé ou explorant les habitats et les rapides plus bas. La pratique du récréotourisme étant en augmentation, la demande pour les activités sur l’eau ne fera qu’augmenter et représente un potentiel intéressant pour la revitalisation du ruisseau.

Recommandations d’actions pour une meilleure gestion à long terme :

  1. Se doter d’une vision de revitalisation
    Il est impératif que la Ville se dote d’une vision pour le ruisseau de la Brasserie. La Patinoire du Ruisseau et Agwàtà témoignent de l’engouement des gatinois envers ce joyau du centre-ville. Le potentiel est immense pour développer le récréotourisme et les activités de nature. Les citoyens et les acteurs de milieu n’attendent que le dévoilement d’une vision permettant de rassembler les gens autour de mêmes lignes directrices intégrant les activités récréotouristiques et la protection de la biodiversité et du paysage.
  2. Se doter d’un plan d’élimination des surverses
    Les rejets d’égouts dans le ruisseau de la Brasserie, qui en sont la plus grande problématique, sont de plus en plus connus. Les citoyens s’attendent à ce que la ville investisse les montants nécessaires pour les diminuer de façon considérable, afin de pouvoir commencer à réellement développer son potentiel récréotouristique.
  3. Déterminer les niveaux et débits d’eau adéquats pour la faune et le paysage
    Le barrage n’étant plus régis par les besoins en hydroélectricité, il y a une opportunité de revoir les niveaux et les débits requis pour maintenir la faune, la flore, la qualité de l’eau et l’harmonie du paysage du centre-ville.

Pour finir, je souhaite vous remercier de votre invitation à vous soumettre nos idées et recommandations au sujet des manipulations de l’eau du ruisseau de la Brasserie. En étant à l’écoute des citoyens, des organismes et des gens d’affaires du secteur, la Ville démontre son esprit de collaboration et s’assure que ses efforts sont décuplés.

Nous croyons sincèrement que la revitalisation du ruisseau de la Brasserie est une excellente initiative municipale, et sommes heureux de pouvoir collaborer avec vous dans cette démarche.

N’hésitez pas à me contacter pour de plus amples renseignements.

Adèle Michon
Directrice des opérations au Québec
Sentinelle de la rivière des Outaouais / Ottawa Riverkeeper
Cell : 819-576-2123
amichon@sentinelloutaouais.ca