Le gouvernement fédéral dépose son rapport sur le bassin versant de la rivière des Outaouais: quelles sont les implications?

Le rapport du gouvernement fédéral sur le bassin versant de la rivière des Outaouais a été déposé le 19 juin 2019. Voici notre réaction et ce que nous faisons pour avancer ce dossier.

Le 19 juin, 2019, le gouvernement fédéral a déposé un rapport à la Chambre des Communes intitulé Examen de la gouvernance, des données existants, des indicateurs potentiels et des valeurs dans le bassin versant de la rivière des Outaouais. Cela après des consultations exhaustives mené par ECCC ces deux dernières années, et nous encourageons les parties prenantes du bassin versant à le lire. Avertissement: il fait 267 pages. Ci-dessous, notre réaction.

Pourquoi le gouvernement fédéral a-t-il mené cette étude?

Le gouvernement (ECCC) a mené cette étude suite à une motion d’un député présentée en 2017, laquelle mandatait “une étude détaillée sur la création d’un conseil du bassin versant de la rivière des Outaouais, qui permettrait une cogestion complète et inclusive du bassin versant de la rivière des Outaouais, afin de favoriser l’intégrité écologique, les possibilités économiques durables et la qualité de vie”. Une grande partie de cette étude consistait à consulter un grand nombre de parties prenantes, dont Garde-rivière des Outaouais.

Qu’ont dit les parties prenantes sur l’idée d’un Conseil de bassin versant?

(Le texte suivant est tiré directement du rapport). Presque tous les points de vue exprimés par les intervenants et les particuliers appuyaient une collaboration accrue dans le bassin versant de la rivière des Outaouais. Beaucoup ont déclaré que le manque de collaboration actuel était l’un des plus grands défis auxquels faisait face le bassin versant, particulièrement en raison de sa nature interprovinciale. De nombreux participants ont exprimé leur intérêt pour l’établissement d’un conseil chargé de : coordonner la gestion du bassin versant au-delà des frontières, développer des cibles et des objectifs communs, d’appuyer les approches de la gestion intégrée par bassin versant, de régler les problèmes et d’établir les priorités d’action. La nécessité de réunir divers groupes d’intérêt de l’ensemble du bassin versant pour échanger de l’information et aider à cerner les préoccupations a été largement reconnue comme une lacune dans les pratiques de gestion actuelles. La majorité de ceux qui étaient favorables à une plus grande collaboration croyaient qu’un organisme de coordination était une stratégie efficace. Les Algonquins de l’Ontario, le Conseil tribal de la Nation Algonquine Anishinabeg, le Secrétariat de la Nation algonquine, le Conseil des Mohawks de Kahnawà:ke, la communauté mohawk de Kanesatake et la Nation métisse de l’Ontario étaient favorables à la création d’un nouvel organisme de concertation axé sur les bassins versants à condition que leurs droits et leurs intérêts connexes se reflètent rigoureusement dans son mandat, sa structure et ses membres.

Ce que fait Garde-rivière des Outaouais

Le rapport vient confirmer le large appui et la nécessité stratégique d’un Conseil de bassin versant. Sommes-nous surpris de cette conclusion? Pas du tout. Depuis des années, Garde-rivière des Outaouais est à l’écoute de parties prenantes à travers le bassin versant qui nous disent la même chose. À plusieurs reprises, nous avons convoqué tous les niveaux de gouvernement, y compris les Premières Nations, l’industrie, le milieu académique et les groupes communautaires. En 2015, des centaines de parties prenantes dont les ministres de l’Environnement du Québec et de l’Ontario ont endossé de manière unanime la Déclaration de Gatineau, qui réclamait des forums “afin d’intégrer et de partager l’information, la recherche et les connaissances sur la santé du bassin de la rivière des Outaouais, les défis auxquels nous sommes confrontés et les solutions possibles ou les meilleures pratiques de gestion relatives à la protection des écosystèmes d’eau douce”. En s’appuyant sur ce momentum, nous avons rédigé un Document de Discussion pour détailler la nécessité d’un Conseil de bassin versant et une voie potentielle vers sa mise en oeuvre. Et depuis ce temps, nous poursuivons le dialogue avec les communautés autochtones et les parties prenantes, ayant fait du progrès significatif pour identifier des indicateurs pour mesurer la santé du bassin versant.

Les inondations importantes de 2017 et 2019 dans le bassin versant ne font que renforcer notre position. Étant donnée les changements que nous vivons avec le climat, la nécessité de protéger nos communautés et les écosystèmes qui nous soutiennent, nous devons travailler avec tous les niveaux de gouvernement, y compris les Premières Nations, dans notre bassin versant. Nous pouvons faire mieux, et pour cela un Conseil de bassin versant est nécessaire.

Occasion manquée

Ce que le rapport ne contient pas explicitement, malgré un fort appui des groupes consultés, est un appui de la part du gouvernement fédéral pour la création d’un Conseil de bassin versant, ni un engagement à le soutenir. À notre avis, il s’agit d’une occasion ratée pour montrer du leadership fédéral sur ce dossier. Soyons clairs, nous ne suggérons pas que le gouvernement fédéral mène un Conseil de bassin versant. Simplement qu’il reconnaissance son rôle en tant que l’un des décideurs clé dans la co-gestion du bassin versant, et qu’il se joigne au dialogue réclamé par tant de parties prenantes. Après tout, le gouvernement fédéral reconnaît l’importance de la gestion intégrée des bassins versants et en a fait l’un de ses Objectifs de Développement Durable.

Bien sûr, le bassin versant comporte plusieurs agences impliquées dans sa gestion, fragmentant ainsi la responsabilité des différentes juridictions. Pour qu’un Conseil soit efficace, il aurait aussi besoin de l’appui des gouvernements du Québec et de l’Ontario. Or, cet appui est manifestement absent du rapport de ECCC.

Avançons

Une chose est certaine: la santé de l’eau douce de notre bassin versant étant dans la balance, nous ne permettrons pas à ce rapport d’accumuler de la poussière ni d’être oublié par ses auteurs. Pour avancer:

  • Nous demandons à la ministre d’ECCC Catherine McKenna d’interpeller ses homologues du Québec et de l’Ontario afin de poursuivre le dialogue sur la gestion intégrée de notre bassin versant.
  • Nous continuerons à interpeller les gouvernements ci-dessus, ainsi que les nombreuses parties prenantes qui appuient déjà la formation d’un Conseil de bassin versant. Nous lancerons très bientôt une nouvelle plateforme de collaboration (voir version beta ici) afin de faciliter le partage d’information et le progrès accompli.
  • Afin de favoriser la prise de décisions basées sur la science, nous lançons un projet majeur afin de combler les lacunes en données et obtenir une meilleure compréhension du bassin versant. Ce projet impliquera directement les communautés autochtones et les citoyens.

Le rapport d’ECCC conclut que: “le bassin versant de la rivière des Outaouais est chéri par plusieurs, et que les valeurs naturelles, économiques, culturelles et patrimoniales du bassin versant sont étroitement liées entre elles”. Nous sommes évidemment d’accords. Il est temps de travailler ensemble pour protéger ces valeurs pour les générations à venir.