Commentaires sur l’Examen indépendant des inondations de 2019 en Ontario

L'analyse par votre Garde-rivière de l'Examen indépendant des inondations de 2019 en Ontario.

Le 28 novembre dernier, le conseiller spécial de l’Ontario en matière d’inondations Doug McNeil remettait son rapport sur les inondations de 2019. Le rapport présente 66 recommandations au gouvernement de l’Ontario visant à améliorer les politiques existantes en matière d’inondations. Garde-rivière des Outaouais est d’accord avec bon nombre des recommandations de M. McNeil et avec le fait que la gestion des inondations relève d’une responsabilité partagée. Tel qu’il est mentionné dans le rapport, le cadre politique ontarien de la gestion des inondations est complexe et requiert une compréhension des rôles des différentes agences concernées, y compris le gouvernement fédéral, les municipalités, les offices de protection de la nature et les ministères provinciaux.

De nombreux sujets y sont traités qui mettent en relief les besoins suivants : un plus grand soutien technique pour la cartographie; le partage de l’expertise entre les administrations provinciales; une surveillance accrue; des lignes de communication plus claires. Toutefois, les inondations dans le bassin versant de la rivière des Outaouais posent des défis particuliers qui n’y sont pas traités en profondeur. Parmi ceux-ci : 

  • Le besoin de directives plus rigoureuses pour les agences provinciales et les autorités municipales afin d’assurer que toutes les régions de la province bénéficient du même niveau de soutien technique pour la cartographie des inondations, ainsi que de plans officiels élaborés selon une approche de bassin versant et non seulement pour l’office de protection local; 
  • Le besoin d’intégrer les récentes modifications législatives provinciales, lesquelles ont réduit le financement des offices de protection de la nature (y compris pour les inondations), rendu plus difficile la protection des espèces en péril et de leurs habitats et rationalisé la façon dont certaines autorités provinciales supervisent les permis;
  • Le besoin pour les agences de partout dans le bassin versant de la rivière des Outaouais de collaborer et d’aider à améliorer les communications, ainsi que de créer des occasions de partage des données et des ressources pour trouver des solutions au bénéfice de tout le bassin versant. 

Ce rapport affirme que l’inondation de 2019 n’est pas le résultat d’une erreur humaine ou d’une exploitation négligente des structures de régularisation des eaux. M. McNeil souligne que l’intensité de l’inondation vient d’une série de facteurs climatiques qui ont permis à un volume d’eau sans précédent de s’accumuler dans le bassin versant. Le rapport comprend également une description détaillée des différentes conditions du bassin versant pour 2017, 2018 et 2019, expliquant comment la variation des accumulations de neige, des températures ainsi que des moments et des volumes de pluies printanières peut avoir une incidence importante sur l’impact de l’inondation.

Le besoin d’une approche de bassin versant pour atténuer les inondations

Le rapport se concentre sur ce qui doit être fait en Ontario, mais pour les collectivités et les résidents riverains de la rivière des Outaouais, la collaboration des partenaires de tout le bassin versant est essentielle pour contrer les inondations. La gestion des inondations ne peut se faire municipalité par municipalité; elle nécessite la coordination des approches au sein du bassin versant et de ses sous-bassins versants.

2019 Flooding at Parliament Hill - Inondations 2019 sur la Colline du Parlement 
Photo: Aerialphotographs.ca
Photo: Aerialphotographs.ca

Garde-rivière des Outaouais croit fermement qu’une véritable approche axée sur le bassin versant doit inclure l’Ontario et le Québec de même que le gouvernement fédéral – cette approche permettra une meilleure gestion des inondations et une protection plus efficace des citoyens et des espèces, évitant ainsi des millions de dollars en dégâts. Le travail conjoint entre administrations renforcira la résilience des collectivités des bassin versants locaux à s’adapter aux impacts grandissants du changement climatique.

M. McNeil reconnaît les défis auxquels font face les décideurs, particulièrement si nous manquons de données à jour et exactes. Le rapport reconnaît également le rôle important des offices de protection de la nature, notamment leur contribution à la mise à jour des cartes d’inondation et leur volonté de partager cette compréhension technique avec le ministère des Ressources naturelles et des Forêts ou les municipalité pour les secteurs non couverts par un office de protection de la nature.

Même si M. McNeil souligne l’incidence des changements d’utilisation du sol sur les collectivités en aval, il ne fait aucune recommandation d’approche axée sur le bassin versant pour le ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF) et les municipalités non dotées d’un office de protection de la nature. En outre, on ne trouve aucune suggestion sur la façon de gérer les difficultés de cartographie des inondations pour les collectivités riveraines de la rivière des Outaouais, celles qui sont le plus durement touchées par des facteurs provenant de tout le bassin versant pendant la crue printanière, et donc, nécessitant une collaboration entre le Québec et l’Ontario.

Des données et un cadre législatif solides aident la prise de décision

Les cartes d’inondation peuvent aider à renseigner la planification de l’aménagement et des permis, en plus de faciliter la conservation d’importants éléments paysagers tels les terres humides qui jouent un rôle vital dans l’atténuation des niveaux et des débits d’eau pendant les inondations. Garde-rivière des Outaouais apprécie la recommandation de conservation, de restauration et de création d’infrastructures vertes, mais il aurait fallu davantage présenter aux municipalités des moyens de les réaliser. 

Les récentes modifications législatives ontariennes visant à exclure ces espaces du processus pour accélérer l’acceptation des permis, rendent plus difficile pour les municipalités de les préserver du développement afin de protéger les espèces à risque et leur habitat. Ces modifications ont également diminué le financement des offices de protection de la nature et leur travail visant les inondations en particulier, travail dont les mérites sont cités abondamment dans ce rapport comme ayant joué un rôle majeur dans l’état de préparation et d’alerte aux inondations dans diverses régions de la province. Il est important de postuler ce cadre législatif ontarien changeant dans les recommandations de ce rapport et de reconnaître le besoin pour les municipalités, le MRNF et les offices de protection de la nature de renforcer leurs capacités afin de mettre en œuvre les activités recommandées.

Un certain nombre de recommandations de ce rapport visent à améliorer les communications précédant et pendant les inondations sont applicables à tout le bassin versant. Par exemple, la création d’un poste de spécialiste des communications pour assister la Commission de planification de la régularisation de la rivière des Outaouais. Garde-rivière des Outaouais abonde pour une information claire et rapide sur les facteurs ayant une incidence sur les niveaux d’eau et soutient les recommandations visant à offrir plus d’expertise pour rendre cette information la plus efficace possible. Cela comprend des communications claires sur les facteurs uniques le long de la rivière des Outaouais pendant la crue printanière qui entraînent des inondations importantes dans certains secteurs et de faibles niveaux d’eau dans d’autres.

En tant que promoteur de la prise de décision fondée sur la science, Garde-rivière des Outaouais est encouragé par la recommandation d’étendre le réseau hydrométrique, car les données sur les débits et les niveaux d’eau contribuent à une meilleure compréhension de la rivière des Outaouais et de ces affluents tout au long de l’année, mais particulièrement pendant les inondations. L’ajout d’indicateurs de débit et de niveau d’eau peut s’avérer coûteux et, pour le bassin versant de la rivière des Outaouais, il ne devrait pas se faire en vase clos. 

Le Québec est à moderniser son réseau hydrométrique et le fédéral est à investir des millions pour améliorer les Services hydrographiques nationaux. Voilà une excellente occasion de collaborer et d’accroître l’accessibilité aux données dans tout le bassin versant en travaillant ensemble. 

La collaboration est essentielle

Bon nombre de recommandations du rapport soulignent le besoin de travailler entre administrations afin d’améliorer le partage des donnée et les communications en temps opportun. Comme proposait la ministre de l’Environnement et du Changement climatique Catherine McKenna dans sa lettre au ministre Yakabuski en date du 1er août 2019 : « …des options pour la suite des choses, y compris la portée de tout examen indépendant proposé. Il est essentiel que les trois gouvernements collaborent afin d’assurer les résultats dont les collectivités touchées ont besoin. »

Comment atténuer les effets quand d’autres inondations surviendront? Garde-rivière des Outaouais est convaincu qu’une meilleure gestion dans l’avenir ne peut se faire qu’en voyant le bassin versant comme étant un espace intergouvernemental.

Garde-rivière des Outaouais appelle les hauts dirigeants du Québec et de l’Ontario, comme ceux du fédéral, à s’entendre sur la création d’un conseil conjoint du bassin versant qui englobe les deux rives et comprend des mécanismes de partage de données et de découverte de solutions entre les administrations. La gestion des inondations et de leurs effets sur l’infrastructure et la biodiversité ne peut se faire en vase clos. Environ 65 % du bassin versant de la rivière des Outaouais comprend des rivières, des terres humides et des tributaires situés au Québec. Une vision holistique des rôles, des responsabilités, des règles et des règlements doit être adoptée sans tarder si nous voulons entreprendre une véritable gestion des inondations. De meilleurs mécanismes de partage de données et de découverte de solutions entre administrations constituent la clé pour assurer, non seulement une meilleure gestion des inondations, mais également la santé des rivières du bassin versant de l’Outaouais.